A propos du prétendu racisme de Pierre de Coubertin

On ne peut reprocher au passé de ne pas être le présent. Aristote était esclavagiste : oui, et alors ? On doit au contraire se réjouir du fait que certaines vérités d’hier n’ont plus cours aujourd’hui. Présenter Coubertin comme un raciste est une insulte à… l’Histoire !

Les Européens, autrement dit les Blancs, sont les maîtres du monde au début du XXe siècle. Les grandes découvertes ont abouti à des empires coloniaux européens. Forts de leur puissance maritime et militaire – qui prouve que Dieu est avec eux (l’ordalie) -, les “Euroblancs” apportent leur civilisation (acculturation en niant la culture indigène), la Vraie Foi (évangélisation) et le progrès (scientifique, technique et technologique).

Plutôt que de racisme, il s’agit davantage de l’imposition de ce suprématisme civilisateur qui est le politiquement correct de l’époque. Les détracteurs de Coubertin sont-ils sûrs que leurs aïeux n’appartinssent pas à ce politiquement correct ?

Pour acculturer les colonisés, il faut les déculturer. Certains – dont Coubertin – vont s’apercevoir que les “sauvages” ne sont pas si sauvages que cela, à la manière de peintres par exemple, comme Kandinsky ou Klee, qui découvrent avec admiration l’art “nègre” (l’art “primitif” qui portera ensuite le bien-fondé nom d’art “premier”), réhabilitant l’art traditionnel des cultures non-occidentales. A la manière d’Horace qui constata que « la Grèce conquise par Rome remporta la victoire sur son conquérant par sa culture. », Coubertin s’insurgera contre l’esprit colonial des Européens venus à considérer l’Afrique comme une sorte de monde subalterne dépendant du leur. Il soutient l’émancipation indigène car il s’aperçoit que cette Afrique, tenue pour négligeable parce qu’on lui niait son passé, en avait un, ce qui justifie qu’elle ait le droit à l’avenir. Cette fois Coubertin est politiquement incorrect car il s’élève contre le comportement de la majorité de nos aïeux qui visitent des zoos humains (encore présents après la Seconde Guerre mondiale) ! Il prévient que « lorsque ces Noirs, ces Rouges, ces Jaunes apprendront à courir, à sauter, à lancer [ils] laisseront les Blancs derrière eux. » (en réprobation des Journées anthropologiques des Jeux olympiques de Saint-Louis en 1904).

Combien de nos aïeux ont accompagné Pierre de Coubertin dans cette démarche humaniste quand il publiera dans La Gazette de Lausanne (n° 319, 22 novembre 1918) : « L’Olympisme n’est point un système, c’est un état d’esprit. Les formules les plus diverses peuvent s’en pénétrer et il n’appartient ni à une race ni à une époque de s’en attribuer le monopole exclusif. »

Il précise encore davantage sa pensée l’année suivante dans une circulaire aux membres du CIO : « Tous les sports pour tous, telle est la nouvelle formule nullement utopique à la réalisation de laquelle nous devons nous consacrer. »

Coubertin a-t-il cru au colonialisme ? Oui, comme tous ses compatriotes, particulièrement dans cette France qui a besoin de retrouver sa grandeur. A-t-il a adhéré à la suprématie des Blancs ? Oui puisqu’elle est un fait mais, contrairement à la majorité, il s’est aperçu que ladite suprématie n’était que militaire. Il a compris rapidement les méfaits de cette domination des uns par les autres et il a créé les Jeux olympiques modernes sur le principe suivant : « Demander aux peuples de s’aimer les uns les autres n’est qu’une manière d’enfantillage. Leur demander de se respecter n’est point une utopie, mais pour se respecter il faut d’abord se connaître ».

C’est ce beau message de l’esprit olympique qui est délivré à la fin des Jeux, dans le stade lors de la cérémonie de clôture, où les athlètes sont heureux de se mélanger, autant féminins que masculins désormais, toutes disciplines et toutes nations confondues. Fiers de leur participation, les athlètes montrent qu’ils ont transcendé, sans les nier, les différences culturelles. Le grand message humaniste des Jeux olympiques et paralympiques est tout entier contenu dans cette notion de respect : le respect de l’autre, tel qu’il est et non tel que l’on voudrait qu’il soit. Ce moment exprime une symbolique extrêmement forte, il est un moment de grâce qui fait que, par leur communion, les athlètes du monde entier nous lancent cette pensée universelle : nous appartenons tous à une même humanité. Merci Monsieur Pierre de Coubertin !

Trop politiquement incorrect tout au long de sa vie, car en avance sur son temps, Coubertin s’est opposé à bien des élites et on comprend qu’il ait eu des détracteurs à l’époque. Aujourd’hui, le formidable héritage de Pierre de Coubertin – qui fait de l’olympisme une culture universelle de la fraternité – réunira des milliards de spectateurs, téléspectateurs, auditeurs, lecteurs. Les Jeux olympiques et paralympiques sont une fête universelle qui balaie d’un simple revers les tentatives malveillantes de ses détracteurs qui n’ont rien de mieux à proposer pour rassembler les nations !

Pierre de Coubertin a œuvré pendant toute son existence pour proposer, bien au-delà de l’olympisme et des Jeux olympiques, un système complet d’éducation ayant pour fondements l’éducation physique et sportive, l’éducation intellectuelle, l’éducation morale, ainsi que de grands thèmes touchant les domaines culturels, historiques, sociaux et sportifs. Cette œuvre considérable est celle d’un grand humaniste.

Qualifier Coubertin de raciste est une négation de l’Histoire, qui relève de la simple calomnie et qui insulte la culture.